Behind Mass Die-offs Pesticides Lurk as Culprit
Sonia SHAH, Environnement 360, 07 JAN 2010 : Report
http://e360.yale.edu/content/feature.msp?id=2228
Derrière la multitude des morts les pesticides se dissimulent comme des coupables
Durant les douze dernières années, trois nouvelles maladies ont décimé les populations d’amphibiens, d’abeilles, et, plus récemment, de chauve-souris.
De plus en plus, des scientifiques suspectent que l’exposition aux faibles doses de pesticides pourrait contribuer à cette éruption d’épidémies.
Depuis que Olga Owen Huckins a partagé le spectacle d’un jardin plein de morts, des oiseaux empoisonnés par le DDT, avec son amie Rachel Carson en 1958, les scientifiques ont traqué le tribut dramatique payé par la faune sauvage à une planète recouverte de pesticides. Aujourd’hui, le brouillard de pesticides nous entoure partout, contaminant 90% des grandes rivières et des ruisseaux nationaux, plus de 80% des poissons échantillonnés, et un tiers des aquifères nationales. Selon l’U.S. Fish and Wildlife Service, les poissons et les oiseaux eux-mêmes exposés sans méfiance à la soupe chimique meurent par millions chaque année.
Mais pendant que les organismes régulateurs sont aux prises avec les dangers mortels des pesticides, des scientifiques découvrent que même à des niveaux apparemment bénins, l’exposition à faible dose de pesticides, peut affecter la vie sauvage par des voies inattendues – et pourrait même contribuer à l’éruption de nouvelles épidémies conduisant les espèces au bord de l’extinction.
Au cours des douze dernières années, pas moins de trois maladies, jamais vues auparavant, ont décimé des populations d’amphibiens, d’abeilles, et, plus récemment de chauve-souris. Un nombre croissant de preuves indique que les expositions aux pesticides peuvent jouer un rôle important dans le déclin des deux premières espèces, et, les scientifiques étudient si ces expositions peuvent être impliquées dans la mort de plus d’un million de chauve-souris dans le nord-est des Etats-Unis depuis plusieurs années.
Pendant des décennies les toxicologues ont accumulé un éventail de preuves montrant que l’exposition à faible dose aux pesticides contrarie le fonctionnement du système immunitaire de la faune sauvage et ont mis en corrélation ces dommages immunitaires avec cette flambée de maladies. Il a été montré que la consommation de harengs contaminés par les pesticides altérait les fonctions du système immunitaire des phoques captifs, par exemple, et peut être a-t-elle contribué à l’apparition de la maladie de Carré qui a tué plus de 18 000 phoques veau-marin sur les côtes nord de l’Europe en 1988. L’exposition aux PCB a été mise en corrélation avec des niveaux plus élevés d’infection par des ascaris (vers ronds) chez les mouettes arctiques. Il a été montré que l’herbicide largement utilisé l’atrazine rendait les têtards plus sensibles aux vers parasites.
Un récent flot de mortalité généralisée a commencé avec les amphibiens. Les scientifiques ont découvert le coupable, un champignon aquatique appelé Batrachochytrium dendrobatidis, de la classe des champignons appelée “Chytrids” en 1998. Ses ravages, dit un expert des amphibiens, Kevin Zippel, « c’est contraire à tout ce que nous n’avions jamais vu depuis la disparition des dinosaures ». Plus de 1800 espèces d’amphibiens sont actuellement au bord de l’extinction.
C’est peut-être, comme de nombreux experts le pensent, que le champignon Chytrid est un nouveau pathogène décimant les espèces qui n’ont aucune défense contre lui, comme la variole et la rougeole européennes ont décimé les Amérindiens aux XVI et XVII siècles. Mais « il existe en réalité une bonne probabilité que les substances chimiques affectant le système immunitaire rendent les animaux plus sensibles » dit aussi Carlos Davidson biologiste de la conservation de l’Université de l’Etat de San Francisco.
En Californie par exemple, il est connu que les insecticides répandus sur les cultures de la Vallée de San Joaquin sont transportés par le vent dans les montagnes de la Sierra Nevada. Il y a une forte corrélation entre le transport par le vent des pesticides utilisés et le déclin des populations d’amphibiens. Où (qu’ils soient) ils s’installent dans l’air, dans la neige, en surface de l’eau, et dans les tissus des amphibiens. Et, quand Davidson compare les rapports d’usage des pesticides, la perte d’habitats, les modèles sur la direction des vents, et les populations d’amphibiens en Californie pour les années 1971 à 1991, il trouve une très forte corrélation entre les pesticides utilisés (présents) dans l’air, en particulier les inhibiteurs chimiques de cholinestérase tel que l’insecticide Carbaryl, et le déclin des populations d’amphibiens.
Les preuves expérimentales soutiennent les conclusions de Davidson. Dans des expériences de laboratoire, l’exposition au Carbaryl réduit considérablement chez la Grenouille à pattes jaunes la production de moyens de lutte contre le champignon, appelés peptides antimicrobiens, capables de les défendre contre le champignon Chrytid. Des tests supplémentaires ont montré que les espèces d’amphibiens qui produisent les mélanges les plus efficaces de peptides antimicrobiens résistent à l’infection expérimentale du Chrytid, et ont tendance à être ceux qui survivent avec succès dans la nature.
Six ans après que les scientifiques eussent découvert l’agression fongique sur les amphibiens, un fléau mystérieux commençait à décimer les abeilles. Les butineuses les premières disparaissaient des ruches, abandonnant leur couvain, leur reine mourant de faim, en 2004. Les apiculteurs alarmés surnommèrent cette maladie dévastatrice de « Phénomène d’effondrement des colonies ». Entre 2006 et 2009, le « phénomène d’effondrement des colonies » et autres maladies détruisirent 35% de la population US.
Certains experts estiment que le « phénomène d’effondrement des colonies » est le résultat d’une « parfaite tempête » de facteurs débilitants des abeilles : mauvaise alimentation, dysfonctionnement du système immunitaire depuis des décennies de pratiques apicultrices industrielles, et que de multiples agents pathogènes opportunistes agissent de façon malveillante de concert. Mais de nombreux apiculteurs croient qu’une nouvelle classe de substances chimiques à base de nicotine, appelée néonicotinoïdes, peut être responsable.
Les néonicotinoïdes ont commencé à être largement utilisés depuis le début des années 2000. Contrairement aux pesticides antérieurs s’évaporant et se dispersant rapidement après leur application, les néonicotinoïdes sont des poisons systémiques. Appliqués dans le sol ou en enrobage de semences, les insecticides néonicotinoïdes sont incorporés eux-mêmes dans les tissus des plantes, transformant la plante elle-même en une toute petite usine de poison émettant des toxines remontant de ses racines aux feuilles, tiges, pollen et nectar.
En Allemagne, en France, en Italie et en Slovénie, les inquiétudes des apiculteurs au sujet des effets des néonicotinoïdes sur les colonies d’abeilles ont conduit à une série d’interdictions de ces produits chimiques. Aux EU, les organismes de régulation ont approuvé leur usage en dépit du fait que la méthode standard de protection des abeilles des insecticides de l’EPA – en obligeant les agriculteurs à s’abstenir de les appliquer durant la floraison lorsque les abeilles sont les plus exposées – est peu à même de protéger les abeilles des pesticides systémiques.
Les industriels croient que ces substances sont sans danger, dit l’entomologiste Jeff Pettis du ministère US de l’agriculture (USDA). « Ils sont utilisé à faibles doses et c’est d’un grand avantage pour les agriculteurs », puisque les néonicotinoïdes ne nécessitent pas d’applications répétées, ni de larges diffusions dans l’environnement, explique-t-il. De plus, des années de recherche ont montré que de faibles doses de substances chimiques seulement sont exsudées dans le pollen et le nectar des végétaux traités.
Mais l’entomologiste Vincenzo Girolami de l’Université de Padoue pense avoir découvert un mécanisme inattendu par lequel les néonicotinoïdes – en dépit de leur mode d’application – peuvent en fait tuer les abeilles. Au printemps, les néonicotinoïdes en enrobage de semences sont semées avec des semoirs, lesquels soulèvent un nuage d’insecticides dans l’air. « Le nuage est large de 20m, quelques fois de 50m, et les machines basculent de bas en haut et de haut en bas (en progressant) » dit-il. « Les abeilles qui traversent les champs, effectuant un voyage tous les 10 minutes, ont une haute probabilité de rencontrer ce nuage. Si elles font un voyage toutes les 5 minutes c’est certain qu’elles le rencontreront. »
Le résultat pourrait être immédiatement dévastateur. Dans une recherche, encore inédite, Girolami a trouvé des concentrations d’insecticides dans les nuages au-dessus des semoirs 1000 fois supérieures aux doses létales pour les abeilles. Au printemps, quand les semoirs sont à l’œuvre, dit Girolami, « Je pense que 90% ou plus de la mortalité des abeilles est due à l’empoisonnement direct par les pesticides. »
Girolami a aussi trouvé des niveaux létaux de néonicotinoïdes dans un autre lieu inattendu – et normalement non testé – telles que les gouttes de liquide que les plantes traitées sécrètent sur les bords des feuilles et que les abeilles et d’autres insectes boivent. (En français ce phénomène est appelé la guttation NdT). (La communauté scientifique a déjà mesuré le poids de cette nouvelle recherche non encore publiée de Girolami, mais Pettis (de l’USDA NdT) qui a entendu parler de ce travail, dit « C’est une bonne et plausible explication. »)
Deux ans après que les abeilles aient commencé à disparaître mourraient aussi les chauves-souris. Les cadavres des chauves-souris hivernantes furent en premier trouvés jonchant le sol des grottes dans le nord des Etats Unis en 2006. Les maladies qui les tuaient, causées par un champignon adapté au froid appelé Geromyces destructans – et aussi Syndrome du nez blanc dont témoigne le duvet blanc qui pousse sur les oreilles et le nez des chauve-souris – a depuis détruit au moins un million de chauves-souris. L’écologiste de la vie sauvage John Hayes de l’Université de Floride dit ainsi : « c’est le plus rapide déclin de la vie sauvage au cours du siècle dernier en Amérique du Nord ».
Ainsi, le mystérieux Batrachochytrium dendrobatidis, champignon infectant les amphibiens, Géomyces pourrait être un nouveau pathogène, faisant des espèces de chauves-souris sans défenses une nouvelle proie. Mais, les scientifiques ont aussi commencé à examiner si l’exposition aux pesticides pouvait jouer un rôle.
Les chauves-souris sont spécialement vulnérables à la pollution chimique. Elles sont petites – les petites chauves-souris brunes pèsent juste 8 g. – et peuvent vivre jusqu’à trois décennies. « C’est un temps suffisamment long pour accumuler des pesticides et des contaminants » souligne Marianne Moore chercheuse doctorante de l’Université de Boston qui étudie si les contaminants environnementaux suppriment les défenses immunitaires des chauves-souris. « Nous savons qu’elles ont été exposées à l’accumulation des organochlorés, mercuriels, arsenicaux, au plomb et aux dioxines, dit-elle, « Mais nous ne comprenons pas les effets ».
C’est, en fin de compte, le dilemme central de la dépendance aux pesticides qui se pose aux sociétés. Prouver, avec une certitude statistique, que l’exposition à de faibles doses de pesticides rend les êtres vivants encore plus vulnérables aux maladies est notoirement difficile. Il y a trop de pesticides différents, et en embuscade dans de trop nombreux complexes, une compréhension trop faible des habitats pour construire définitivement des actes d’accusation accablant. Les preuves sont subtiles et suggestives. Mais avec la rapide décimation des amphibiens, des abeilles et des chauves-souris, elles s’accumulent rapidement.
(Traduction Christian Pacteau)
09/01/2010
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